Retraites : un déficit de 30 milliards d'euros en 2045 selon la Cour des comptes

A l’issue du discours de politique générale présenté par le Premier ministre devant l’Assemblée nationale le 14 janvier dernier, la Cour des Comptes s’est vue confier une « mission flash » visant à analyser la situation financière actuelle et les perspectives du système de retraites en France.

Ce document fournit ainsi une base de discussion aux partenaires sociaux, qui devront aboutir à un accord proposant des solutions pour améliorer le système de retraites dans un objectif de soutenabilité du régime.
Dans son rapport, la Cour des Comptes réitère ses alertes face à un constat implacable : si le système de retraites français a affiché un excédent temporaire de 8,5 milliards d’euros en 2023, il est voué à basculer dans un déficit atteignant 6,6 milliards d’euros dès 2025, et allant jusqu’à 30 milliards d’euros en 2045.

Les tendances démographiques actuelles sont tout aussi préoccupantes : alors qu’on comptait 1,77 actif pour un retraité en 2025, ce ratio tomberait à 1,54 en 2045, faisant peser de lourdes menaces sur la pérennité du mode de financement des pensions.
La Cour des Comptes revient également sur les réformes successives mises en place pour tenter de freiner cette dérive comme le report progressif de l’âge légal de départ à la retraite ou l’allongement de la durée de cotisation, avec des résultats toutefois largement insuffisants. En particulier, la réforme des retraites de 2023 a repoussé l’âge légal de départ à 64 ans et allongé la durée de cotisation à 43 ans, ce qui générera une économie maximale de 4,1 milliards d’euros en 2032 et réduira le nombre de retraités de 350 000 cette même année. Mais ces économies chuteront à 0,7 milliard d’euros en 2045, entraînant un besoin de financement supplémentaire et donc des ajustements qui impacteront directement les conditions de départ et le niveau des pensions.

La Cour des Comptes plaide donc en faveur d’une approche globale et complémentaire jouant sur plusieurs leviers allant dans le sens d’une meilleure durabilité du régime.

  • Sans surprise, le relèvement de l’âge de départ à la retraite (fixé à 64 ans depuis la réforme de 2023) est l’un des principaux axes d’action. Un passage à 65 ans pourrait générer 8,4 milliards d’euros de gains en 2035 en retardant l’entrée en retraite de milliers d’actifs.
  • Un autre levier clé repose sur l’allongement de la durée de cotisation. Aujourd’hui fixée à 43 ans, elle pourrait être portée à 44 ans ou plus. Cette mesure pourrait permettre de réaliser 5,2 milliards d’euros d’économies en 2035, mais elle nécessiterait des ajustements pour éviter qu’elle ne pénalise les carrières hachées et les métiers les plus difficiles.
  • Un autre levier consiste en l’augmentation des cotisations sociales : une hausse d’un point du taux de cotisation des employeurs et des salariés permettrait de rapporter entre 4,8 et 7,6 milliards d’euros par an. Un tel choix aurait toutefois un impact direct sur le pouvoir d’achat des actifs et sur le coût du travail.
  • Enfin, la révision de l’indexation des pensions sur l’inflation est un levier particulièrement sensible. Actuellement, les pensions sont ajustées chaque année en fonction des prix, avec un léger décalage. Une sous-indexation, c’est-à-dire une revalorisation inférieure à l’inflation, pourrait générer 2,9 milliards d’euros d’économies dès 2025. Cette mesure risquerait d’éroder progressivement le pouvoir d’achat des retraités, en particulier des plus modestes.

Quelle que soit l’option retenue, la refonte du financement des retraites entraînera inévitablement des conséquences majeures pour l’ensemble des acteurs économiques : une pression financière accrue pour les salariés confrontés à une hausse des prélèvements et à un allongement de la durée de cotisations ; une perte de compétitivité minorant la capacité d’investissement et d’embauche des entreprises confrontées à un alourdissement de leurs charges sociales. Les pensions des futurs retraités devraient également subir une baisse significative, fragilisant davantage le pouvoir d’achat et le niveau de vie des générations à venir.

Dans ce contexte, la retraite dépasse le cadre de la responsabilité de l’État et pose la question du rôle des entreprises dans la sécurisation de l’avenir financier de leurs collaborateurs. Elle interroge également sur le rôle de l’Etat vis-à-vis des agents de la Fonction publique. Anticiper les défis économiques et sociaux à venir devient un impératif stratégique et un véritable gage d’attractivité : garantir un complément de retraite stable et sécurisé permet non seulement de protéger les salariés, mais aussi d’assurer un climat social serein et d’attirer les talents.

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